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Tout le monde n'a pas eu la chance de faire un burnout

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Tout le monde n'a pas eu la chance de faire un burnout

Et comment s'en sortir quand même

Laure Jouteau
Feb 2
10
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Tout le monde n'a pas eu la chance de faire un burnout

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Un peu avant mes 30 ans, j’ai été obligée de m’arrêter de travailler et de passer quelques mois en repos pour ce qu’on pourrait appeler un burnout. Je dis pourrait appeler parce que je ne veux pas entrer dans le débat médical sur le terme.

Je suis allée chez le médecin après des mois et des mois à dormir mal, à faire des crises d’angoisse dès que j’étais dans un environnement non familier, à redouter d’aller au taf et à me sentir de plus en plus épuisée (tu m’étonnes John). Elle m’a regardée, on a parlé un peu, et je ne sais pas ce qu’elle a vu ou entendu (mes souvenirs de tout ça sont plutôt flous), mais elle m’a mise en arrêt tout de suite, pour 1 mois, qui finalement est devenu presque deux mois, suivis d’un mi-temps thérapeutique.

Pendant ces mois je dormais entre 12 et 14h par nuit et je refaisais une sieste dans l’après-midi. J’étais soulagée de ne plus aller au boulot, mais ce n’était pas simple d’accepter le niveau d’épuisement et de ralentissement qui allaient avec.

photo : Alireza Zarafshani

Arrêter de réparer le moteur d’une voiture qui fonce dans le mur

Je me suis beaucoup détestée à ce moment là de perdre le contrôle de mon corps et de mes pensées. Ce sentiment d’être victime de soi-même, c’est pas chouette. Et se détester pour ça, c’est une excellente façon de s’en remettre une couche.

Byron Katie pose parfois cette question “En quoi cette situation me soutient ?”

A ce moment là, j’avais l’impression que je m’enfonçais, je perdais une image de moi même comme la meuf qui assure professionnellement, qui a une carrière fulgurante et enviable et qui gère à tous les coups, tout en gardant une attitude désinvolte et détendue (muahahaha non mais le sketch qu’on peut se faire sur soi-même). Je ne rendais même pas compte que j’avais cette image de moi avant de la perdre.

Reprends une situation professionnelle ou personnelle qui t’a désarçonné.e. Est-ce que tu peux identifier l’histoire que tu te racontais sur toi même ou sur comment le monde doit fonctionner et qui a été mise à mal par cette expérience ?

Quel était / est le prix à payer pour maintenir cette histoire ?

Jusqu’alors, dès que j’avais des moments durs, je passais en mode “résolution de problèmes” pour fuir l’inconfort. Je vivais quand même beaucoup de trucs que j’avais pas envie de vivre mais je faisais tout pour le faire passer en m’activant. Si jamais cette stratégie ne fonctionnait pas ou plus, je donnais un cadre et une histoire à mon mal-être : “ah c’est parce que j’ai pas beaucoup dormi” “je devrais reprendre le sport c’est ça qui va pas” “non mais ça arrive à tout le monde d’avoir un coup de mou, je suis en train de me prendre la tête pour rien”.

Ce n’est pas que ce soit faux, ou vrai. Le sport, le sommeil, la vie sociale c’est très bien. Mais quand c’est utilisé pour éviter de ressentir ce qu’on ressent, ça devient une boucle infernale.

Au pire, je pouvais toujours changer de job, de mec, de vie. Je me persuadais que quelque chose ne tournait pas rond chez moi, et qu’il fallait que je répare ce quelque chose. Et je cherchais toujours à l’extérieur pour réparer, parce que finalement, il y avait une terreur d’aller voir à l’intérieur et de rencontrer le monstre que j’imaginais tapi là.

Sauf que :

  1. C’est faux. Quelle que soit ta situation actuelle, je sais qu’il n’y a rien à réparer chez toi, comme il n’y avait rien à réparer chez moi

  2. Réparer une voiture qui fonce dans le mur, c’est pas forcément la stratégie la plus payante à long terme

Prendre le risque de ralentir pour voir ce qui se cache à l’intérieur

La vie m’a obligée à ralentir, et j’ai eu la chance de devoir lâcher prise sur l’histoire, la réparation de la voiture et tout le tintouin. J’ai eu encore plus de chance parce que je faisais des crises d’angoisse hyper souvent et que ça m’a poussée à aller enfin ouvrir la boîte de Pandore et ralentir pour regarder en moi.

Le cadeau, c’était le ralentissement. Progressivement j’ai pu aller voir à l’intérieur et constater que tout ce que je fuyais en m’agitant dans tous les sens depuis des années n’avait absolument rien de terrible. C’était même touchant, émouvant, mignon.

Exemple concret : j’avais extrêmement peur de revisiter un épisode de ma vie qui me poursuivait. A 16 ans, je suis tombée amoureuse pour la première fois d’un garçon, c’était furtif il était juste de passage, et quand il est parti, j’ai connu pour la première fois une déprime. C’était tellement incompréhensible que j’ai bloqué là dessus, et j’ai commencé à focaliser sur le fait que j’étais au fond une créature complètement dépressive qui devait absolument lutter contre sa nature et la cacher aux yeux du monde.

Finalement en prenant le temps, ça m’a juste donné de l’empathie et de l’amour pour cette ado qui pour la première fois, rencontrait quelqu’un, s’émouvait, et connaissait une peine de coeur. C’est chou, en fait.

Et c’était la même chose dans ma situation professionnelle : je courais dans tous les sens à la recherche du job qui m’irait, mais au fond j’avais une trouille cataclysmique de n’avoir aucune passion, aucune vocation et d’être condamnée à errer de job en job comme une meuf qui sait pas ce qu’elle veut dans sa vie.

Le problème, c’était pas la carrière, c’était de refuser de rencontrer cette peur.

C’est quoi un problème que tu as en ce moment et qui te paraît vraiment important, limite indispensable à résoudre pour pouvoir vivre comme tu veux ?

Une fois que tu as identifié le problème, vois si c’est possible de ralentir et d’aller rencontrer ce qui se cache en dessous : qu’est-ce que tu as peur de rencontrer ? Le sentiment d’être inadéquat.e ? De ne pas être aimé.e ? La trahison ? La haine ?

Sortir de l’hypnose

On en parlera la semaine prochaine : beaucoup d’entre nous vivent une forme d’hypnose très élaborée qu’on appelle “ma vie”. Une histoire qu’on se raconte et qu’on raconte à qui veut l’entendre et qui nous permet de ne pas nous rencontrer en profondeur. D’éviter tout ce qui nous paraît inconfortable en lui donnant un cadre, une explication, une issue. Transformer la magie du vivant en un problème à résoudre.

Si tu n’as pas eu la chance de faire un burnout, ou qu’à la lecture de cet article tu te dis “Putain j’ai raté mon burnout, j’ai pas du tout eu autant de révélations derrière”, tu as l’occasion de ralentir maintenant. De prendre le temps pour constater à quel point tu cours et depuis tellement longtemps que tu n’as peut être même plus conscience de courir tout le temps.

Chacun.e a son chemin qui lui est propre et qui est parfaitement adapté et sur mesure. Donc pas de panique : la vie est tout le temps en train de t’offrir des occasions de rencontrer l’inconfort, d’ouvrir la boîte et de trouver l’amour là où tu pensais trouver tes pires cauchemars.

Juste reconnaître ce qui résonne pour toi dans ce que tu viens de lire, prendre ne serait-ce qu’une pépite pour toi, c’est déjà lever le nez du moteur de la voiture et commencer à regarder l’horizon (ou le mur qui s’approche haha). Pour certain.es ça passera par un burnout, une maladie. Pour d’autres une rencontre, un moment de révélation. .

Et il y aura toujours le choix entre saisir l’opportunité ou continuer comme avant.

Tout ça permet de sortir de l’hypnose de ton histoire. Prendre conscience que tu t’es fait croire un paquet de choses, que tu as déployé une énergie folle pour éviter de te rencontrer, c’est le premier pas indispensable. Et toute cette énergie va progressivement être disponible pour autre chose.

A toi : c’est quoi ce que tu retires de plus précieux pour toi de cette lecture ? J’ai hâte de te lire.

A la semaine prochaine

Laure

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7 Comments
Geoffrey Dumonceau
Feb 2Liked by Laure Jouteau

Merci Laure !

Ton article est aussi une métaphore de la civilisation occidentale qui nous mène droit dans le mur (écologique au sens le plus large).

Ralentir pour sortir de notre hypnose collective "notre monde".

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Jenny
Feb 8·edited Feb 8Liked by Laure Jouteau

Merci Laure pour ce partage qui m'interpelle et me pose question. Merci de manière générale pour ta plume, tes écrits, podcasts et toutes tes formes d'expressions qui toujours m'interpellent.

Me concernant, j'ai très sérieusement ralenti mon activité depuis fin 2018 car malgré une profession libérale choisie et passionnante, dans le domaine paramédicale (donc censée avoir du sens) je ne parvenais pas à avoir une vie en dehors de mon travail et finissais par ne plus trouver aucun sens à mon travail dans lequel je me sentais de moins en moins bien. Je n'avais aucune énergie pour quoi que ce soit d'autre que mon travail. Aucune vie sociale ou amoureuse, aucune sortie et activité en dehors des formations et certifications supplémentaires que j'alignais au fil des ans, même mes vacances étaient en réalité des formations pour acquérir une nouvelle certification.

Et aujourd'hui après presque 5 ans de ralentissement, certes, je n'en suis plus au même point dans ma vie personnelle (j'ai un compagnon, une belle-fille et une fille de deux ans), mais professionnellement ce ralentissement a fini par laisser place à une paralysie quasi totale, une énorme frustration de ne pas m'épanouir professionnellement, une absence totale de motivation et de désir professionnelle bien précis.

Alors je m'interroge sur les réels bénéfices du ralentissement ? Pourtant adepte du développement personnel depuis la première heure je commence à avoir de sérieux doutes ... Ou alors serais-je passé complètement à côté du vrai message ? J'ai contemplé la nature, fait de longues marches silencieuses, habité seule perdue au milieu de la forêt, fait des retraites de yoga, je suis même devenue professeur de yoga pour finalement interrompre mon enseignement car le temps de travail de préparation des cours me semblait totalement insurmontable. Bref j'ai littéralement embrassé la voie du bien-être à travers une multitude de formations, lectures, podcasts, philosophies, modes de vie, mode de penser...pour me sentir enfin épanouie et transmettre à mon tour ce que j'avais appris ; pour au final : Me sentir complètement frustrée, en colère, m'en vouloir encore plus de ne pas y arriver, de ne pas retrouver toute mon énergie, mon dynamisme et mon désir d'aller de l'avant.

Je souhaitais partager mon expérience car de mon côté, le ralentissement s'éternise et j'ai la désagréable sensation d'être engagée dans un burn-out à durée indéterminée ...

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